Mes yeux se portèrent sur le paysage défilant rapidement devant moi. Tout était plongé dans la pénombre et chaque petit détail semblait aussi menaçant qu’un dangereux monstre tout droit sorti des ténèbres. Mes oreilles étaient doucement portées par le vent et j’étais tendrement bercé par le bruit monotone provoqué par les roues du train passant sur les rails. Ma tête ressortait du toit d’un compartiment bagage alors que j’étais tranquillement installée sur le haut de ma cage dont la porte avait été méchamment sortie de ses gonds. Les miaulements de plainte de mes confrères arrivaient jusqu’à moi, mais j’étais trop épuisée pour les libérés à leur tour, alors je n’avais d’autre choix que d’esquiver l’indifférence pour ne pas me sentir trop coupable. Maintenant, la grande question, où allais-je ? Et bien moi-même je l’ignorais. Mon museau ne sentait que l’odeur de la mer et du sel, et du fer qui provenait du véhicule, tendis que mes yeux ne distinguait quelques arbres et de l’herbe autour de moi. Pourtant, j’avais ma petite idée sur ma destination finale…une nouvelle ville avec une nouvelle
animalerie.
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*Hiiiiiiiiiiiiiiii*
Ce bruit aigu et tranchant de freinage me réveilla en sursaut et je fus projetée plus loin, tombant de ma cage. Ma course fut arrêtée brusquement contre la prison en métal d’un autre Néko ce qui m’arracha un grognement de douleur. Je n’eu même pas le temps de me remettre que des pas menaçants et rapides résonnèrent dans le wagon. N’écoutant que mon instinct, je me précipitai derrière un tas de caisses abandonnées, car si on découvrait que je n’étais pas dans ma « maison » réglementaire, j’allais être sévèrement punie…très sévèrement. Une voix rugueuse et mauvaise me parvint de loin, une voix d’homme, une voix d’
humain. Je dressai les oreilles en sortant les griffes, prête à bondir à n’importe quel moment. Apparemment, il ordonnait à d’autres personnes de s’occuper de nous, et de tous nous empilés dans un camion. Réfléchissant, je fus surprise lorsque la porte du compartiment s’ouvrit, laissant place à la douce lumière matinale, nous éblouissant tous sans exception.
Les ouvriers se mirent à déplacer les cages une à une, mais assez rapidement pour que je ne m’en rende pas compte. Bientôt, alors que je regardais d’un air mélancolique le ciel bleu et ensoleillé dehors, une voix sèche et rêche en mon intention se fit entendre.
« Hé toi ! La peste ! Qu’est-ce que t’as fait à c’te cage ?! »
Son ton grossier, sans grâce, m’énerva et je sortis entièrement de ma cachette, puisque de toute manière j’avais été démasquée, et je lui grognai dessus en hérissant le poil. Je restai cependant muette, comme j’en avais l’habitude depuis des années déjà. Tout ce que je reçu en retour fut une grande baffe suivit d’insultes. Je me préparai à lui sauter dessus mais un autre homme vint faire bouclier entre nous deux, nous empêchant de continuer. Finalement résignée, j’acceptai de retourner dans une nouvelle prison temporaire pour me faire transporter, ne voulant pas recevoir une autre raclée.
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Mes paupières se soulevèrent doucement et ma bouche s’ouvrit dans un lourd bâillement. Que faisais-je là ? Comment étais-je arrivée là ? Et le plus important, où étais-je ? Je me redressai en posant mes pattes sur les barreaux en acier de ma cage, observant autour de moi de mes yeux embrumés de fatigue. Soudain, un gros personnage en sueur apparut dans mon chant de vision. Il était face à moi et se mit à sourire en voyant que je le regardais. Un sourire sadique, qui ne me disait rien de bon…
« Oh…je vois que tu es réveillée. Hin hin, viens là ! »
Il sortit une clé de sa poche et ouvrit la petite porte qui me retenait, reculant ensuite pour me laisser la place. Même s’il pensait que je ne faisais pas attention à ses faits et gestes, j’avais bien vu qu’il s’était léché la lèvre supérieure et qu’il me fixait d’un air mauvais. Doucement et sûrement, je mis un pas hors de la cage, puis un autre, et je finis pas sortir entièrement, me relevant tout de suite pour m’étirer. A peine avais-je fini mes gestes qu’il m’empoigna le bras et me tira en vitesse dans l’arrière boutique –car oui, j’étais dans une animalerie-, malgré le fait que je me débattais. Là-bas, attendait un jeune homme à l’allure nonchalante qui prit le relais. Continuant de gigotées, je l’interrogeai d’un regard suppliant. Il posa un simple doigt sur ma bouche que je m’empressai de mordre, et il dit.
« Tsss…quelle bonne à rien ! Et arrête de te débattre, tout ce que je dois te faire, c’est de te transformer en aimant à client ! »
Dit comme ça, je ne compris pas tout de suite. C’est plus tard que je m’en rendis compte quand je ressortis, habillée d’une souple et courte robe blanche. Elle était un peu sale, mais assez jolie, c’est comme ça que je devinai l’idée macabre du vendeur. Il m’avait placée devant la vitrine pour que j’attire les humains et qu’ils viennent dépenser leur argent pour adopter un nouveau jouet…Tsss, que c’est misérable.
Je poussai un soupir et regardai dehors. Le soleil descendait lentement derrière les collines au loin, signe de fin d’après-midi. Mon attention fut ensuite vite prise par la clochette de la porte qui retentit, dévoilant un groupe de garçons au sourire pervers et cruel. Ni une, ni deux, je reculai discrètement puis partit en courant au fond de la boutique. Malheureusement pour moi, le gang avait remarqué ma fuite et accoururent vers moi en rigolant, visiblement avec une mauvais idée en tête. Les voyants arriver, je me précipitai plus loin, renversant au passage plusieurs cages et plusieurs autres objets, comme un verre d’eau qui se renversa automatiquement sur moi. Mais le bâtiment étant relativement petit, je fus vite piégée dans un coin, encerclé par les morveux de tout à l’heure. L’un deux leva le bras pour m’attraper mais il fut stoppé net par la voix sèche et sans appel du vendeur.
« Hé vous, foutez le camp d’ici, c’est compris ?! »
Marmonnant dans leur barbe, ils quittèrent l’établissement sans rien dire et me laissèrent tranquille. Je soupirai de soulagement et fit un petit sourire, mais celui-ci disparu en voyant le gros homme énervé arriver. Sans attendre, il me donna une baffe, puis un coup sur l’épaule et une entaille apparue sur cette dernière. Il me cria dessus, me traitant de déchet et d’autres choses cruelles, puis partit remettre la salle en ordre.
Je baissai les oreilles et poussai un petit couinement en serrant les dents, avant de monter sur une cage au fond de la pièce. Une fois sur celle-ci, je ramenai mes jambes vers moi et posa ma tête sur mes genoux, fermant les yeux doucement en laissant pendre ma queue dans le vide. Et j’attendis, écoutant tous les moindres petits bruits autour de moi, silencieuse…