Nellia en vente, help me... [PV: Hisato Fujiwara]

_ Bienvenue cher monsieur, cher madame! Quel modele vous ferais plaisir? Petit, grand, mâle, femelle...?
Toujours la même ritournelle encore et encore... Les humains entrent, regardent les plaques, écoutent le baratin du vendeur d'une oreille distraite et poussent des "huuum...." dubitatifs.
Sur ma plaque à moi, on peut lire "Nellia, Neko femelle docile, allergique à la laque".
Ma cage était comme les autres ; petite, étroite, poussièreuse. Desans, ça pue et on ne peut même pas se retourner.

Vêtu d'une simple...Robe? Toge? Pagne? Rideau déchiré (de chez Castorama^^), nous autres nekos étions condamnés à rester bêtement devant les barreaux de la cage, à regarder les humains passer, à faire notre air le plus "mimi" pour les attirer et à prier.
N'ayant pas la place pour notre queue dans la cage (sauf en s'asseyant dessus, mais ça fait mal à la longue), nous la laissons dépasser à travers les barreaux, faisant attention à ne pas se les faire écraser.

Des miaulements plaintifs me parvenaient depuis les autres cages. Parfois, le bruit du fouet et toujours, la voix grincante du vendeur, vantant les nekos plus chers, rabaissant ceux d'occasions.
Le vendeur... Quel odieux personnage que celui-là. Maigre, avec une petite moustache, il portait le plus souvent des chemises à carreaux, un jean bien trop large pour lui et une ceinture où était accroché un fouet, un portefeuille (qu'il n'arrive pas à ma portée, j'hésiterais pas a lui prendre pour le faire tourner en bourrique) et le trousseau de clefs des cages (même remarque que pour le portefeuille).

Les nekos venants d'être capturés ne le connaissaient pas ; il l'insultaient, faisaient du boucan et embétait les clients.
Ils le faisaient une fois. Pas deux.
Faut dire qu'il avait le fouet facile. Pas d'avertissement, de sermon, rien. Juste le KLAK retentissant et les poils volants sur la force du coup.
Et sa femme... Une horreur! Seule une chose les rapprochaient: leur haine des nekos (et leur amour de l'argent et leur cruauté, mais là, ça fait trois).
Grosse, moche, une voix grave et des tout petits yeux enfoncés dans leurs orbites.
Elle mettait des petites robes légères, se pensant belle peut-etre, mais ne pouvait se baisser sous peine de faire craquer les coutures et voler les boutons (dans l'oeuil ça fait mal).

J'en étais encore à mes réflexions quand un bruit retentit. Un bruit faisant briller l'espoir dans les yeux des nekos. Vite, se faire belle, lisser sa queur et ses oreilles et prendre l'air le plus mignon qu'il soit.
En temps normal, les nekos compatissent entre eux mais à ce moment, c'est une veritable compétition.
La cloche sonna donc et un jeune homme, beau, entra.

C'est drôle comme une petite sonnette peut faire teinter autant d'yeux. Je venais à peine d'entrer dans l'animalerie que de nombreuses paires d'oreilles félines s'étaient arquées dans ma direction, ce qui en soit avait un caractère un peu angoissant, mais me faisait surtout rire. Déambulant d'un pas tranquille dans les lieux, je révisai en mon fort intérieur les raisons qui m'avaient poussé à venir jusqu'ici ce jour-là.

A vrai dire, cela faisait un petit moment déjà que mes idées étaient tournées ailleurs que vers mon travail ou ma petite routine. J'entrevoyais souvent dans mes rêveries la silhouette enflammées des hybrides parcourant les rues de la ville à petits pas feutrés. Installé seul à un banc du parc, j'observais même parfois avec une étrange curiosité les rapports que créaient les "maîtres" avec leurs nouvelles "possessions", trouvant dans leur relation un je ne sais quoi de séduisant qui avait fait naître en moi un désir tout frais. Devenir maître à mon tour.

Maintenant que j'étais immergé dans le monde de l'animalerie, je trouvai dans le regard des nekos un sentiment d'urgence qui troublait ma quiétude naturelle. Mais je compris bien vite la raison de leur détresse lorsque le couple de vendeur en eut terminé avec son dernier client, et commença à se diriger vers moi... Je pris parti de me baisser pour interpeller une petite féline qui avait capté mon attention, les deux laideurs humaines se détournant alors pour me laisser faire mon choix tranquillement, alléchés par la perspective d'une nouvelle vente. Il me fut impossible de me redresser lorsque je tombai nez-à-nez avec la plus charmante féline demoiselle que j'avais vu jusqu'alors : un petit bout de douceur, orné de deux grands yeux précieux comme des gemmes rares. On pouvait lire à coté d'elle les inscriptions : "Nellia, Neko femelle docile, allergique à la laque". Je remerciai le ciel de m'avoir fait une coupe de cheveux naturelle.

- Bonjour... Nellia c'est ça ? Je m'appelle Hisato, tu permets qu'on converse un peu ?

J'avais souris, m'exprimant sans prétentions, et me demandais si en tant que maître je ne devais pas me montrer un peu plus ferme. Cette première approche me convenait néanmoins, et me permettait d'obtenir une réponse qui me confirmerait si les belles créatures ont aussi de jolies voix. J'étais en revanche presque attristé de voir que ses habits et l'étroitesse de sa cellule n'étaient pas tout à fait idéals...

- C'est un peu exigu comme logement... Tu n'as pas trop mal ?

Joignant le geste à la parole, je glissai précautionneusement une main entre les barreaux, vérifiant du bout des doigts les éventuelles meurtrissures de ses genoux, ses coudes, ses épaules... Tout ce dont j'étais sûr qu'un maître attentif devait veiller avec soin.

Nellia regarda avec curiosité le nouvel arrivant, il dédaigna les deux vendeurs et se dirigea vers elle:

- Bonjour... Nellia c'est ça ? Je m'appelle Hisato, tu permets qu'on converse un peu ?

Il était tout près, aussi, elle en profita pour le détailler un peu mieux ; des cheveux noirs/bruns , des yeux marrons... Il n'avait pas l'air méchant. Il avait dit ça gentillement. Elle voulut répondre mais les mots s'étouffèrent à moitié dans sa gorge ;

- Hi...sa...to?

Damned! Trop longtemps qu'elle n'avait pas parlé! Elle se maudit intèrieurement et se concentra pour réussir à sortir quelque chose d'un peu plus intelligent :

- Oui, je ... veux bien.

Génial! Super intelligent... Il va s'en doute s'en aller, aller voir un neko plus intéressant que la pauvre chose qu'elle était. Au lieu de ça, il la regardait avec curiosité, la détaillant d'un oeuil critique, elle ne pouvait se douter que c'était ses vétements et son... logement qu'il critiquait :

- C'est un peu exigu comme logement... Tu n'as pas trop mal ?

Nellia releva les yeux, réalisant qu'il lui avait parlé. Evidemment qu'elle avait mal, tous ses membres étaient atrophiés, amaigris et lui faisait tellement mal qu'elle ne les sentait même plus. Mais bon, tout ça, c'était un peu long à dire alors elle se contenta d'un simple "si...".
L'homme, Hisato, tendit la main vers elle, à travers les barreaux, elle tressaillit.
Il la caressa du bout des doigts, sentant les innégalitées de sa peau dues à des cicatrices.
Nellia levait vers lui des yeux pleins d'espoir, se demandant si, ce soir, elle serait encore ici ou ailleurs.